Né en 1976, Sylvain est professeur de formation musicale et de musique électroacoustique au Conservatoire municipal de musique et danse de Saint-Palais-sur-Mer.
Formé à l’université Lyon II et au S.C.R.I.M.E. de Bordeaux, (Studio de Création et de Recherche en Informatique et Musique Électroacoustique) auprès des compositeurs Christian Eloy et Edgar Nicouleau, Sylvain utilise depuis 20 ans les outils informatiques et technologiques au service de ses activités de création artistique et d’enseignement. Depuis 10 ans il anime des formations, stages, conférences ou ateliers, auprès de structures publiques ou privées. Il participe au forum de support, au manuel en ligne pour la France et à la traduction de l’interface utilisateur ; et développe des extensions (plugins) à visée pédagogique, afin d’adapter MuseScore aux exigences de l’enseignement musical. En outre, Sylvain signe la traduction française du livre « Maîtriser MuseScore » de Marc Sabatella, l’ouvrage de référence sur le logiciel, publié par MuseScore Publishing BVBA en novembre 2015.
Il partage régulièrement son expérience sur la page musescore.mann.tf et via la liste de diffusion Hacking MuseScore.
MuseScore : publier des partitions professionnelles
Un logiciel libre au cœur de l’édition musicale
Présentation
Quand en 2016 je fonde les éditions de L’octanphare1, cela fait déjà 6 ans que j’utilise exclusivement MuseScore pour mes activités musicales d’enseignement, de composition et de copiste. La question de savoir avec quoi j’allais graver les partitions de mon catalogue ne s’est donc pas vraiment posée. Après avoir utilisé pendant de longues années Finale puis Sibelius, j’avais acquis de solides habitudes avec MuseScore pour que ce choix s’impose comme une évidence ; du surcroît à plus d’un titre comme nous allons le voir par la suite.
L’octanphare est une édition de musique contemporaine au sens propre du terme (comprendre musique d’aujourd’hui) comprenant deux volets : l’édition graphique avec la commercialisation de partitions de musiques instrumentales, vocales, électroniques (partitions papier ou numérique, supports ou dispositifs, livres et publications) ; et l’édition sonore avec la production de contenus audio et multimédias (composition, arrangement, enregistrement, post-production…). Autant dire que la notation musicale occupe une place centrale dans toutes ces activités. Quand le milieu de l’édition a imposé un logiciel dominant et incontournable depuis la démocratisation de l’informatique musicale à la fin des années 80 (Finale de MakeMusic, Inc pour ne pas le citer), j’ai donc fait le choix d’un logiciel libre, gratuit et souffrant il y a peu encore d’une image d’amateurisme et peu performant. Voici donc ci-dessous le pourquoi, les avantages et les inconvénients d’un tel choix.
Pourquoi choisir MuseScore ?
On pourrait croire que la gratuité de MuseScore est l’argument premier pour une entreprise qui se lance afin de réduire le coût d’achat et de renouvellement des licences. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il n’en est rien. Je dirais même que cet argument est le dernier de la liste.
Choisir d’utiliser MuseScore, c’est avant tout faire le choix d’un logiciel libre, c’est-à-dire un logiciel qui, contrairement à un logiciel propriétaire ou privateur, procure à son utilisateur les quatre libertés fondamentales : utiliser le logiciel comme bon lui semble, le copier, l’étudier (accéder au code source), le modifier et redistribuer une version modifiée de celui-ci.
Parallèlement, Agir en tant qu’éditeur, c’est pour moi développer un cercle éthique et vertueux de la création à la promotion des œuvres, en passant par leur production et leur diffusion. C’est aussi s’engager pour une meilleure diffusion culturelle prenant en compte le droit d’auteur et une rémunération équitable des créateurs, mais aussi les droits des lecteurs en imaginant des modèles de partage plus respectueux de chacun.
Cette démarche est en parfaite adéquation avec la philosophie du logiciel libre. Pouvoir utiliser ou modifier le logiciel permet de produire des partitions qui répondent mieux aux attentes citées plus haut mais permet également d’envisager de futures manières de mettre à disposition la musique des compositeurs édités En effet, s’appuyer sur le logiciel de notation musicale le plus utilisé dans le monde et qui gère des formats ouverts tel que le XML est un atout formidable pour des nouvelles formes de partage et de circulation de la musique.
D’ailleurs, cet état d’esprit est celui qui prévaut pour tous les autres logiciels utilisés : Libre Office, Scribus, Gimp, Inkscape sont mis en œuvre pour la création de A à Z des partitions de L’octanphare.
Graver une partition avec MuseScore
À partir le mois de mai 2015 et la version 2 de MuseScore qui a introduit les parties séparées dynamiques, le logiciel est devenu pleinement fonctionnel pour travailler de manière professionnelle. Loin de l’image bas de gamme ou limitée qu’il peut parfois, à tort, renvoyer, MuseScore permet dorénavant une notation de haut niveau et de haute qualité, respectant entièrement les règles de l’art en matière de gravure musicale. Je citerais par exemple le projet Rootham pour lequel j’ai gravé quelques partitions ; ou bien le projet OpenScore basé sur MuseScore.
Toute notation y est possible, pour peu que l’on soit imaginatif et que l’on sache utiliser les nombreuses fonctions disponibles. La police Bravura autorise l’emploi d’une multitude de symboles. Il est même possible d’utiliser ses propres symboles, dans mon cas dessinés avec Inscape, puis importés grâce au support du format png (celui-ci permettant de jouer avec la transparence). Des palettes entières sont ainsi paramétrées en fonction des habitudes de notation des compositeurs que j’édite. MuseScore permet en outre de rendre invisible n’importe quel élément de la partition, ce qui rend illimité les possibilités de gravure et de mise en page. Même avec des partitions complexes et non conventionnelles, j’avoue ne jamais avoir été limité par le logiciel.
MuseScore, un logiciel résolument ouvert
Plus que son code, MuseScore dispose de fonctions de première importance pour la musique avec support électronique : les sorties midi et osc permettent de synchroniser la partition avec des logiciels tiers. Je pense notamment au cas d’un arrangement. Devant écrire des parties supplémentaires à une œuvre pré-existante et dont je ne possède que l’audio (écrire des parties de cuivres pour une chanson de variété), je m’y prends de la manière suivante : l’audio est inséré dans le logiciel multipistes Ardour. Je compose les parties de cuivres dans MuseScore. Celui-ci est synchronisé à Ardour via le serveur de son Jack. Ainsi, quand je lance le playback dans MuseScore, Ardour se synchronise et lit également l’audio. j’entends ainsi le résultat global de mon arrangement en temps réel. La cerise sur le gâteau, c’est que je récupère l’audio de MuseScore sur une autre piste d’Ardour pour enregistrer une maquette globale. Cette configuration s’avère très efficace pour réaliser des arrangements.
Nous arrivons à la fin de cet article et vous vous dites sans doute que j’ai omis de parler des inconvénients de MuseScore pour l’édition musicale. Non pas qu’il n’y en aurait pas. En cherchant bien, je pense à un aspect peu pratique. La très grande majorité des intervenants dans l’édition musicale utilise Finale. En conséquence, je reçois donc des partitions soit manuscrites et dans ce cas, pas de problème pour les noter dans MuseScore ; soit déjà saisies sur ordinateur. Le fichier est alors au format XML. L’import dans MuseScore ne pose pas de problème, sauf dans le cas de notations contemporaines qui peuvent parfois apparaître de manière incohérente. L’utilisation d’une partition témoin en PDF est alors nécessaire pour renoter convenablement ce type de passages. Inconvénient somme toute minime au regard de l’immense potentiel que MuseScore offre au copiste.
En conclusion, MuseScore est aujourd’hui le logiciel de notation musicale le plus utilisé au monde et n’a plus rien à envier aux poids lourds du marché. Si vous utilisez déjà l’un de ceux-là, je vous déconseille d’essayer MuseScore. Non pas que la migration serait compliquée car MuseScore est bien plus simple à prendre en main que ses concurrents, mais vous risqueriez simplement de regretter votre premier choix. Mais si cela ne vous fait pas peur, alors foncez ! Et pour tous ceux qui cherchent à écrire de la musique, bienvenue dans l’univers de MuseScore !
Sylvain Kuntzmann
off.mann.tf
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